L’exposition « sexe et convenances » réunit des artistes
à la galerie Pascal Vanhoecke pour une exposition forte et
déroutante qui confronte des productions photographiques à
des créations vidéos, ainsi qu’à la performance, rendant
compte du passage qui s’opère entre ces différents domaines.
Ces artistes au tempérament provocateur présentent des
œuvres qui posent la question de la séparation entre le
public et le privé oscillant entre la sphère de l’intime et
la pornographie, pour nous présenter de multiples facettes
de la sexualité vues par les artistes contemporains.
Dans son ensemble, l’exposition
« Sexe et Convenances »
prend position sur le rapport contradictoire de la pulsion
et des convenances sociales en matière de liberté sexuelle.
Cette exposition, tente de voir dans quelle mesure le
déplacement des codes produit par l’introduction des images
dans le champ réservé des arts permet de faire vaciller la
frontière entre la décence et la vulgarité, pour tout ce qui
touche à la sexualité humaine.
Le rapport au sexe, conditionné par les pressions sociales
et familiales, par la publicité, ou vu à travers la
pornographie, constitue la problématique de cette exposition.
Celle-ci tente en effet de mettre en évidence les lignes
directrices suivies dans l’art de ces quinze dernières
années pour rendre compte de l’évolution des mœurs en
Occident, de l’intimité des couples aux jeux sexuels de
groupe, en passant par la banalisation de l’image du corps,
et par le regard que la femme porte sur la sexualité.
Pendant que l’Occident tend à se libérer du sentiment de
culpabilité judéo-chrétien, l’homme est en quête de
sensations extrêmes, gère le problème du SIDA qui modifie
profondément la sexualité et le rapport à l’autre, découvre
Internet, ainsi que les films pornographiques à domicile.
Tout ceci a des conséquences directes dans le travail de
représentation artistique, ce que tentera aussi de mettre en
évidence l’exposition.
Par ailleurs une nouvelle génération de femmes artistes nous
propose une vision de la femme plus libre, agissant comme
actrice de son désir et non plus asservie à la volonté de l’homme.
C’est pourquoi les femmes photographes comme Rachel Henriot,
Irina Rotaru, Laurence Demaison et vidéastes comme Natacha
Merritt seront ici à l’honneur, pour nous montrer ce qui a
changé, dans le paysage de l’art contemporain comme dans
celui de l’imaginaire collectif.
Pascal Bernier
« Safe sex » est une vidéo pornographique paradoxale et
humoristique dans laquelle l’obscénité inhérente au genre
émerge et ce malgré le fait que tout y est factice de
manière évidente. Si la pornographie se définit comme une
obscénité en matière littéraire ou artistique, peut-être « Safe
sex » est-elle une apornographie dans laquelle l’artistique
et l’obscène ont fusionné.
Pascal Bernier dans cette vidéo mime avec un partenaire un
rapport sexuel avec deux accessoires : un vibromasseur et un
vagin en plastique, les deux protagonistes sont munis de
gants en latex comme s’il s’agissait d’une opération
chirurgicale et imbriquent les deux sextoys de manière
froide et mécanique réduisant l’acte sexuel à une action
obscène qui relève plus de la planche d’anatomie que d’une
imagerie érotique.
Pour Frédéric Lecomte,
la vidéo a pris le pas sur les arts plastiques et c’est là
que, toujours avec le même humour, il jette un œil sur nos
vies. Tel un voyeur, il s’immisce dans nos appartements pour
piéger nos comportements de vie, sexuels et autres.
Après Les turbulences du vide, sa nouvelle vidéo Appart,
nous emporte dans les turbulences de la vie.
« (…)Des mains présentes et toujours conservées dans la
masse de l’image. Des mains qui déshabillent le blanc des
images, qui la défroquent, et ce sont ces mêmes mains qui
tuent. Et si le cinéma était resté au stade du muet cela
aurait contribué à créer une sorte de thesaurus, d’anthropologie
visuelle où la main seule actrice, serait devenue maîtresse
du jeu en touchant juste du doigt le blanc des surfaces.
Voilà ce qui nous manquait, ce lien entre vidéo et cinéma
réconciliés, entre l’arrêt et la promesse de départ.
Frédéric Lecomte élabore donc des carnets vidéo exécutés à
la vitesse d’un croquis, le croquis d’une image qui bouge,
et son dernier opus pose bien toujours la même chose à ceci
près que son trait capture des images cinéma, des images
télé, une somme d’images qu’il réactive par la suite quand
il les découpe et les vide, et c’est ça le « décorps » de
cette exposition où la vidéo se joue comme le théâtre de l’équivoque,
comme l’équivoque même du théâtre, ce qui, de donner à voir,
expose le vrai et l’illusion dans un même mouvement de don
et de retrait. Mais ces images détourées, squelettes de l’image
devenue sans ressemblance posent le problème, non de savoir
ce qu’elles veulent montrer, mais ce qu’elles ne montrent
plus. Squelette d’une image cinéma, pour ce dernier il s’agit
là de son certificat de présence. En a-t-il besoin ? Sans
doute, car négocier avec les images c’est aussi négocier
avec le réel et Lecomte s’y emploie en ne conservant ainsi
que le bref effet de choc, coups de feu et étreintes
inlassablement répétés comme les deux seules figures de
style d’une imagerie qui ne connaît que deux arguments pour
se vendre, le sexe et la mort. »
Extrait : Philippe Dagen, Le Monde 17 juin 2005.
Torsten Lauschmann
« The Passion Prefix » vidéo, 6mn.
Vidéaste et performeur, Torsten Lauschmann a travaillé en
tant que photographe freelance pour des journaux et des
magazines avant d'étudier la photographie et les beaux-arts
à l'école d'Art de Glasgow. Ses vidéos sont projetées lors
de nombreux festivals en Angleterre, en Finlande et en
Allemagne, et ont remporté plusieurs récompenses. Il a
représenté l’Ecosse à la biennale de Venise en 2003.
Dans sa vidéo « the passion prefix », Torsten recycle des
séquences de films pornographiques et les sature
analogiquement pour les utiliser plastiquement au service de
sa composition musicale. Le travail musical semble provoquer
les altérations de l’image et rythme l’esthétique générale à
la manière du Vj-ing (séquençage vidéo issu de la culture
techno). Les scènes sont démultipliées et répétées dans une
logique kaléidoscopique de telle sorte qu’elles ne se lisent
plus que comme une combinaison florissante de motifs.
Utilisant les mêmes compressions que celles des échanges
pornographiques amateurs, Torsten exploite les pertes
analogiques issues des réencodages successifs en vue d’en
épuiser le contenu visuel. L’obscénité des images s’en
trouve désactivée, et le caractère fascinatoire de l’image
pornographique est ici substitué au vertige hypnotique d’un
flux saturé de fac-similés.
Interrogeant la circulation des images et leur devenir au
sein de la communauté, Torsten en exploite les
disfonctionnements et en célèbre la surconsommation.
Conceptualiste complet, Torsten Lauschmann débusque la
fragilité de nos mythes culturels en entreprenant des
projets un rien cyniques comme son tour d’Europe sous le
pseudonyme de Slender WHITEMANN, où il propose dans la rue
un sound system ambulant avec un ordinateur portable
alimenté à l’énergie solaire , ou encore avec le lancement
d’une campagne de sauvetage planétaire qui invite plusieurs
millions de personnes à participer au mois de juillet 2006
à un grand saut qui permettrait de modifier l’orbite de la
planète en vue de réduire le réchauffement terrestre.
Liuba
-
Testo in Italiano
Liuba
« Les Amants » - performance et video
Ce projet présenté en septembre 2005 proposait une réflexion
à la fois sur l’ambiguïté de la différence entre «espace
public» et «espace privé», mais aussi sur les dynamiques du
rapport à l’autre, fait d’union, mais souvent aussi de
mystère, d’inconnu et de méprise. C’est également une
interrogation sur la cécité de l’amour et le pouvoir des
sens.
La performance commencait “par surprise” pendant l’inauguration
de l’exposition, sans être annoncée, juxtaposant l’action
artistique à la vie quotidienne et se confondant avec elle :
il n’y avait pas de différence entre le public et le couple
de performers.
A un moment les deux amants commencent à flirter avec la
décence. Les attitudes amoureuses communément admises dans
un espace public laissent la place à des échanges ayant
normalement lieu en privé.
Quand le doute entre réalité et performance disparaît et que
l’action de Liuba et de son partenaire devient évidente,
mais ambiguë et embarrassante pour les visiteurs, ils se
mettent mutuellement une cagoule.
A ce moment les deux acteurs construisent leur «espace privé».
Avec la protection de cette intimité, faite de «non voir»,
le couple s’effeuille, se dénude et s’enlace dans une danse
érotique qui les emmène l’un vers l’autre.
Les deux corps sont nus, celui de la femme blanc, celui de
l’homme noir, et leurs têtes sont couvertes de cagoules
respectivement noire et blanche.
Tolérance, yin et yang, lumière et ombre, rapports entre les
sexes, les races, les diversités, hommage à Magritte sont
autant de réflexions portées par cette mise en scène, où la
question centrale demeure toutefois pour chacun: où s’arrête
la convenance ? peuvent-ils aller «en public» jusqu’à l’acte
sexuel ?
Ces corps nus qui s’enlacent, avec leurs têtes couvertes,
ouvrent sur plusieurs interprétations et suggestions sur la
nature de l’amour et des relations humaines. Les corps se
retrouvent mais les visages ne se regardent pas, les corps
se touchent mais les visages ne se connaissent pas, les sens
sont en action mais la pensée se tait… l’union peut devenir
totale, mais une partie reste cachée, rappelant le mystère
de la rencontre.
La performance se termine par un rhabillage mutuel du couple :
les deux performers se revêtent lentement, enlèvent leurs
cagoules et se mêlent à nouveau à la foule du vernissage,
comme un couple anonyme.
La vidéo de cette performance sera présenté cette année.
Liuba
per saperne di più...
Natacha Merritt
C’est à l’aide d’une caméra numérique que depuis 2000
Natacha Merritt crée une série de portraits et d’autoportraits,
documente ses expériences sexuelles, seule, avec ses amants,
et publie ses clichés numériques sur Internet. La caméra
numérique lui permet d’immortaliser des instants totalement
personnels, en dévoilant avec une impudeur ingénue son
intimité sexuelle. C’est grâce à son site Web que son
travail se fait remarquer, notamment chez les éditions
Taschen, qui publient ses Digital Diaries. La limite entre
l’art et la vie est franchie par l’artiste qui contrefait
une production amateur devenue si abondante qu’elle finit
par constituer un genre. Comme nombre de jeunes artistes d’aujourd’hui,
l’artiste se plaît à brouiller les pistes, à effacer les
repères. Un dispositif se met en place qui doit beaucoup à
l’art et à ses jeux…
Ce journal sexuel est à la fois tendre, violent, choquant et...
exhibitionniste. Si nous sommes voyeurs c’est avec le
consentement de la «victime», il n’y a donc aucune raison de
nous sentir mal à l’aise. D’autant que ce qui est donné à
voir n’est rien de plus que le plaisir et si celui-ci est (enfin !)
féminin, nous ne pourrons que nous en réjouir.
Cette jeune photographe donne donc une nouvelle image de la
femme dans son intimité et sa vérité, loin des poncifs de la
femme objet contre lesquelles ces dernières se sont battues
pendant des générations. Avec Natacha, la femme se révèle
active et centrale, qu’elle soit seule ou avec un partenaire.
La femme ne fait plus tapisserie elle est active, volontaire,
prend et donne du plaisir dans un jeu équitable de respect
de l’autre. Les autoportraits qui en résultent sont vrais et
respirent l’épanouissement.
Thomas Ruff
Influencé par le style documentaire des photographes de l’école
de Düsseldorf (Bernd et Illa Becher, Gerhard Richter),
Thomas Ruff met en place une photographie objective et
distanciée qui suggèrent que l’image photographique est
incapable de représenter la vie intérieure d’un sujet, que
la technique est toujours une manipulation. Il ne cesse de
s’interroger sur ce que peut véhiculer une image au-delà de
la perception rétinienne, recourant de plus en plus souvent
à l’image numérique collectée sur l’infinie banque de
données d’images fournie par Internet. C’est le cas des Nudes,
il les coupe, les recadre, les améliore, change les couleurs,
les agrandi et installe une distance vis-à-vis du sujet.
Rendant ainsi la photographie presque abstraite et
dépossédée de son formalisme cru de film pornographique.
Thomas Ruff passe en revue tous les genres, allant du film
gay au cinéma sado maso en une logique systématique d’esthétisation.
Dans les Nudes il joue avec l’idée de voyeurisme et installe
un état de frustration chez le regardeur. Le rendu flou met
le spectateur dans l’impossibilité de percevoir l’érotisme
de l’image d’origine, l’aspect pornographique est comme
refoulé. Ces photographies nous confrontent directement à ce
que nous cherchons à y voir ou y projeter.
Tony Ward
L’œuvre de l’ Américain Tony Ward fait de nous les témoins
de ses fantasmes. Il est probablement l’artiste le plus
engagé de sa génération en matière de revendication d’une
sexualité sans tabou.
Il obtint une notoriété mondiale avec son premier recueil de
photographies, le controversé et très admiré Obsessions,
suivi de trois autres volumes encore plus innovants : Orgasm,
Tableaux Vivants, OrgasmXL et tout récemment, Best of
Erotica. Des intellectuels reconnus comme A.D. Coleman, Rick
Wester, Reinhold Misselbeck et George Pitts ont écrit de
brillants essais qui accompagnent ces éditions.
Cette série de photographies gagne à être mise en relation
avec des travaux exclusivement présents dans le circuit des
galeries et musées. Tony Ward explore en outre le potentiel
de créativité d’autres médias comme la vidéo.
Dans ses photographies sur la sexualité, Tony Ward nous
poussent à faire reculer toujours plus loin nos tabous ou à
les assumer en tant que tels, échappant à la pornographie
par son sens du détail et sa sensibilité aux jeux de
lumières. Ses mises en scènes sont celles du monde de la
mode et de la publicité poussant plus loin les stéréotypes
qui y sont déjà présents (figure de la femme-objet utilisé
pour sa plastique afin de vanter les mérites d’une marque)
mais Tony Ward ne triche pas et présente de façon explicite
ce qui l’intéresse sans détour ni justification,
déstabilisant les classifications et les distinctions entre
l’art, la mode et la pornographie.